Après avoir étudié les récifs coralliens d’Hawaï, la goélette traversera, du 19 juin au 2 juillet, le gyre situé au nord-est du Pacifique, communément appelé « vortex de déchets du Pacifique nord », l’une des plus zones les plus concentrées en plastique au monde. L’équipe scientifique, dirigée par Maria Luiza Pedrotti – Laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer – étudiera la vie des organismes marins qui se développent dans ces vortex de plastiques pour comprendre leurs interactions avec les microplastiques.
Qu’est-ce que le vortex de déchets du Pacifique nord ?
Des courants océaniques circulaires créent un immense gyre (tourbillon), au centre duquel s’accumulent des débris plastiques, ainsi que du plancton et des algues provenant de sources situées le long du gyre. Les données issues de circumnavigations, d’études régionales et de précédents rapports ont confirmé l’existence de 5 gyres dans le monde, caractérisés par des concentrations relativement élevées de plastiques flottants : dans le Pacifique nord et sud, l’Atlantique nord et sud et dans l’océan Indien.
Plastique et vie marine : un nouvel écosystème ?
Ce Great Pacific Garbage Patch, équivalent à la surface de l’Europe, abrite une vie foisonnante d’algues, d’insectes, de bactéries qui composent et établissent des équilibres et de nouveaux écosystèmes à la surface de l’Océan. La communauté scientifique a encore très peu de connaissances sur ce sujet. Quel est le véritable impact de ces “zones nouvelles de vie plastico-biologiques” ?
Objectif 1 – évaluer la structure écosystémique du plancton en contact avec les déchets plastiques
Un large éventail de créatures marines interagit régulièrement avec les déchets plastiques, mais jusqu’à présent, peu de travaux ont documenté la relation entre le zooplancton (plancton d’origine animal) et les microplastiques. L’équipe scientifique à bord de Tara va donc traverser cette zone pour étudier l’ingestion potentielle du plastique par les organismes (filter feeders). En raison de leur petite taille et de leur couleur, les microplastiques sont considérés comme de la nourriture et sont donc ingérés. Objectif : calculer le rapport plastique/plancton pour une grande variété de zooplancton et un large spectre de concentrations de particules plastiques, collectées sur cette très vaste zone.
Comment étudier le rapport entre zooplancton et les microplastiques ? Prélevés au moyens de filets (filet Manta, High Speed Net, …) les échantillons doivent permettre de dénombrer, trier et mesurer le ratio plancton / plastique à l’aide d’un système ZooScan. Cet instrument numérise et analyse de manière semi-automatique les échantillons prélevés, permettant ainsi aux chercheurs d’étudier simultanément l’espace occupé par les communautés planctoniques et les microplastiques.
Objectif 2 – Identifier la faune, la flore et les champignons fixés
Le second volet de la recherche menée sur Tara devrait permettre de comprendre comment les particules plastiques deviennent de véritables radeaux pour les organismes marins non-indigènes. Ces organismes colonisent en effet de nouveaux environnements et constituent un risque majeur pour l’équilibre des écosystèmes marins. Ces plastiques sont donc non seulement utilisés par des organismes marins, mais aussi par différents agents pathogènes. « L’identification des espèces associées aux débris plastiques permettra de déterminer les zones biogéographiques de colonisation, et nous aidera à mieux comprendre la dispersion potentielle de ces organismes», explique Maria Luiza Pedrotti, coordinatrice scientifique de cette étape.
Un échantillon d’eau de mer dans lequel cohabitent des fragments de plastique et du plancton – © Maéva Bardy / Fondation Tara Expéditions
Objectifs spécifiques:
1) Évaluer la distribution spatiale des plastiques flottants (0,3 – 50 mm et 0,02 – 0,3 mm) au sein du vortex de déchets du Pacifique nord,
2) Évaluer la structure écosystémique du plancton en contact avec des fragments plastiques dans le but de déterminer un indicateur de type ratio plancton/plastique,
3) Analyser les communautés microbiennes fixées et les contaminants organiques associés aux microplastiques,
4) Séquencer l’ADN des communautés microbiennes fixées,
5) Caractériser chimiquement les différents types de plastiques pour connaître la composition (types de polymères) et l’état d’oxydation des débris présents dans le gyre.
Tara Big Data : enrichir la base de données des expéditions Tara
Ces informations permettront d’élargir la base de données Tara – la plus grande base au monde concernant les écosystèmes marins – en apportant des paramètres physiques, des données relatives aux plastiques et au plancton prélevés.
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Ce travail et ces analyses seront réalisés en collaboration avec :
Le laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer (LOV), le CNRS, le Génoscope – CEA, l’Université Paris-Sorbonne, Mercator, l’Université du Maine, Oceanomed, le Laboratoire d’Océanographie Microbienne (LOMIC), le Centre Scientifique de Monaco (CSM), le Musée national d’histoire naturelle (MNHM), l’Université de Nice Sophia-Antipolis et le laboratoire universitaire de biodiversité et d’écologie microbienne (LUBEM-ESIAB).
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